Les Loups-Garous

L’hiver étend sur les plaines sa chape de neige, sous les rayons blafards de la lune. Dans le village, tous se sont calfeutrés mais observent avec inquiétude l’orée du bois où se profile une silhouette. Sombre et couverte d’une épaisse couche de poils hirsutes, elle n’en est pas moins debout et ses yeux brillent d’une intelligence humaine. Son hurlement glace le sang ! Pourtant, cette fois-ci, la « bête » disparaîtra sans qu’aucun enfant n’ait été attaqué. Seule une tombe récente a été éventrée et le corps qu’elle recélait dévoré.

Les loups-garous ! Terreurs de la nuit, vieux comme l’humanité et, comme elle, universels !Hérodote les décrivait déjà, en Grèce, au Vème siècle av J.C, et leur légende a gagné tous les pays d’Europe, de la Scandinavie à la Russie, de l’Allemagne au bassin méditerranéen. Leur funeste réputation a même traversé les océans, à moins qu’elle n’ait déjà existé, sous d’autres noms, dans toutes les parties du monde…

Qui sont les loups-garous ?

Le loup-garou, ou lycanthrope, est un homme susceptible de se transformer, totalement ou partiellement, en loup. La métamorphose intervient généralement pendant les nuits de pleine lune, car celle-ci joue un rôle important dans leur existence. Son seul rayon sur le visage suffirait même peut-être à provoquer la transformation ! Pourtant, même si la pleine lune est sans aucun doute une circonstance favorable à leur apparition, elle est loin d’être la seule origine des loups-garous.

Malédiction proférée par une sorcière ? Châtiment divin en expiation des péchés ? Rite satanique ? Prédestination des enfants nés le jour de Noël ou issus des amours d’un religieux ? Ame défunte errant à la recherche d’un corps ? Les théories les plus récentes soupçonnent aussi la morsure d’un loup ou, qui sait ?, d’un autre loup-garou.

Bref, les explications abondent, se complètent ou se contredisent. Mais le monstre est bel et bien là ! Et il est redoutable car il possède du loup la force, la résistance et la férocité, et de l’homme l’intelligence, qui transparaît dans le regard. La chasse est donc ouverte pour éradiquer l’horreur, et soigner le malheureux humain qui en est à la fois l’auteur et la victime, dont il est dit qu’il revient de ces nuits affreuses gravement affaibli et totalement déprimé, dont il est dit aussi qu’il est facile à reconnaître grâce à la forme des sourcils, la pilosité des mains ou l’implantation des oreilles.

De la simple réprimande à la décapitation à la hache, en passant par la marque au canif d’une croix sur le front, les comportements à son égard varient selon les époques et les pays. Certains éléments cependant sont récurrents : l’argent dont sont faites les lames des poignards et, par la suite, les balles destinées à les tuer, le recours à la protection de Saint Hubert ou, de manière plus prosaïque, l’ombre du sorbier.

Apparaissent également comme importants le crucifix et l’eau bénite qui rapprochent, à l’instar des balles en argent, le mythe des loups-garous et celui des vampires. Existe-t-il un lien entre les deux ? Le parallèle est intéressant. D’ailleurs certaines langues ne font pas la différence. Pourtant il est évident que le vampire reste un homme écartelé entre la mort et la vie, alors que le loup-garou est un lien entre l’homme et la bête.

Bien évidemment, malgré les témoignages recueillis depuis plusieurs siècles, la science récuse l’idée d’une transformation en loup. Elle n’admet, sous le terme de lycanthrope, que les malades affectés de zoopathie, qui se croient capables de se métamorphoser et agissent en conséquence.

Mais qu’en est-il exactement ? Comment se fait-il que la bête du Gévaudan n’ait jamais été expliquée ? Pourquoi tant de cultures différentes ont-elles évoqué le même phénomène ? Peut-être vaut-il mieux éviter de sortir dans les bois pendant les nuits d’hiver nimbées de pleine lune…

Christine Verdier