Comme il n’y a rien de plus aléatoire que les étapes d’une vie, de tout temps les hommes ont cherché à se protéger contre le mauvais sort et gagner les faveurs de Dame Fortune. Amulettes ou talismans, trèfles à quatre feuilles, fers à cheval et pattes de lapin, les recettes abondent mais leurs origines et leur signification ne sont pas forcément similaires.
Il convient tout d’abord de faire la différence entre le présage, comme apercevoir une étoile filante, et l’objet ou le geste qui porteront chance (ou conjureront le malheur). Il faut également dissocier le religieux du profane. Beaucoup de porte-bonheur ont eu comme rôle premier la protection contre les divinités maléfiques. C’est notamment le cas des amulettes. Beaucoup aussi trouvent leur origine dans le souvenir de personnages révérés par certaines religions.
Ainsi, le christianisme a-t-il vu proliférer les reliques de Saints qui étaient apparemment dotés de quelques centaines de doigts ! Mais il faut bien reconnaître que la différence entre profane et sacré est subtile, surtout quand les convictions les plus évidentes finissent par oublier leurs racines. Ainsi, le chiffre 13 est généralement considéré comme dangereux, surtout s’il est associé au vendredi. Pourtant beaucoup de ceux qui pensent ainsi n’ont jamais lu les Evangiles, ignorent les évènements vécus par Jésus-Christ et ne font donc plus le rapprochement avec les 13 participants de la Cène, le repas qui a précédé Sa crucifixion. Le 13 est seulement devenu un nombre à part, que préfèrent éviter les restaurateurs, les hôteliers, les compagnies aériennes et les pilotes de course (entre autres), alors que la Française des Jeux organise en son honneur des tirages exceptionnels du Loto.
Il est intéressant de constater à quel point les nombres jouent un rôle important quand il s’agit d’attirer ou non la chance. Et les raisons de ces croyances ne sont parfois dictées que par la linguistique.
En Chine, le chiffre 8 est un porte-bonheur car sa prononciation «ba » est très proche de « fa » la prospérité. En conséquence, les numéros de téléphone et les plaques minéralogiques comportant plusieurs 8 sont très recherchés. Le 9 est également prisé en raison de sa ressemblance avec le mot « durable ». A l’inverse, en Italie, le nombre 17 est redouté car sa rédaction en chiffres romains (XVII) est l’anagramme de VIXI (j’ai vécu, et donc je suis mort). Mais les jeux de vocabulaire ne sont pas la seule explication de l’importance des nombres. En Chine de nouveau, le chiffre 3 est considéré comme bénéfique parce qu’il symbolise l’alliance du ciel, de la terre et des hommes.
Cette recherche de l’osmose avec les forces de la Nature est d’ailleurs la clef du Feng-Shui, cet art ancestral qui préside à la conception et à l’aménagement de nos habitations, et qui est en soi un porte-bonheur puisqu’il cherche à procurer à leurs occupants bonheur et prospérité.
Mais alors, à quoi riment le fer à cheval ou le trèfle ? Pourquoi la patte de lapin est-elle considérée comme bénéfique alors que les lapins sont prohibés par les marins ? Et d’une manière générale, pourquoi certains objets ou certains gestes sont-ils rassurants ou interdits ? Parce que de nombreux porte-bonheur sont nés de l’observation des animaux - le lapin est fécond - ou des traditions des corps de métier, elles-mêmes influencées par les risques encourus. A l’époque des bateaux en bois, les dents des lapins rongeant la coque pouvaient être mortelles ! Le fer à cheval est un porte-bonheur efficace !
Pour les esprits rationnels les porte-bonheur ne sont que des symboles dérisoires et totalement inefficaces de la superstition mais, au-delà de toute polémique à propos de leurs « pouvoirs », il est certain qu’ils jouent un rôle positif dans nos vies parce qu’ils nous rassurent, nous donnent confiance en nous et participent à notre motivation au moment d’agir.
Christine Verdier
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